Du 14 avril au 3 mai 2002, la voie pavée qui coupait en deux la plaine, presque en ligne droite, comme une route de dessin animé, et qui était régulièrement parcourue de calèches, de processions ou même de camions, fut suivie par une silhouette dotée de plusieurs particularités.
Tout d'abord, cette forme était unique et solitaire, chose incroyable en ces contrées sauvages où, même sur la Route Nord passablement sécurisée par la garde olphérienne, nul ne voyageait seul. On voyait souvent des camions, moins souvent des carosses, calèches ou animaux de monte, et plus rares encore étaient les processions de pèlerins ou de vagabonds. On ne voyait quasiment jamais de voyageur solitaire.
Ensuite, l'homme était jeune, si jeune que par la suite, pour la précision du récit, nous l'appelerons garçons ; il était à ce stade de l'adolescence où les traits avaient encore gardé toute leur pureté juvénile, mais en se doublant de l'indéfinissable charisme musqué de la puberté. Son doux visage était encadré de mèches d'argent souples, angéliques.
Il est à ajouter que l'adolescent n'était absolument pas habillé de vêtements de voyage ; son corps mince était sanglé dans un costume à la fois classique et détendu, souple et strict, de facture sobre. Une tenue de soirée, en fait, qui permettait de deviner, à ses quelques poussières, qu'elle avait pris la route depuis belle lurette, et que son propriétaire était soit très soigneux, pour avoir évité dix mille rapiéçages, soit grandement chanceux.
Les bagages du garçon à l'allure curieusement préraphaélique se réduisaient à une petite mallette contenant nécessaire de toilette et vêtements de rechange, ainsi qu'à un étui à violon, qu'il tenait de la même main, aux longs doigts pâles et fins.
Enfin, le jeune voyageur marchait non sur la Route Nord, mais juste à côté, dans l'herbe grande, fraîche et humide, au large des pavés. Ses chaussures un peu usées, assorties au costume, semblaient souffrir de ce traitement désinvolte.
Le garçon marchait vers le sud, sans parler, sans siffler, avec un sourire léger et le visage levé vers le ciel, le soleil.